Ne pouvant anticiper les volontés des parties, un notaire qui a procédé à une donation simple puis à une donation-partage n’a pas commis un manquement à son devoir de conseil, selon la Cour de cassation.
Une femme a consenti en 2000 à ses deux enfants une donation entre vifs de la nue-propriété de parts sociales en avance de l’héritage. Cet acte a donné lieu au paiement de droits de mutation. Onze ans plus tard, elle effectue une donation-partage au profit de ses enfants, incorporant la première donation. Ce second acte ayant entrainé le versement de droit de partage (à hauteur de 2,5% de la valeur du bien), la donatrice et le donataire ont assigné le notaire et sa SCP en justice pour manquement à leur devoir de conseil, reprochant au professionnel de ne pas leur avoir conseillé d’opter pour une donation-partage dès le premier acte, ce qui leur aurait épargné le paiement de frais et droits consécutifs au second. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris, daté du 10 novembre 2016, a confirmé un jugement du TGI déboutant les demandeurs de leur action en justice.
Le 21 mars 2018, la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère, 21 mars 2018, n°17-14195) rejette à nouveau leur demande. En effet, pour la plus haute Cour de l’ordre judiciaire, "le préjudice invoqué ne résultait pas des conséquences fiscales de l'acte initial, mais découlait de la modification de la volonté des parties et, plus spécialement, du désir des donataires de céder, en 2011, les droits dont ils avaient été gratifiés courant 2000, de sorte que le notaire n'avait pas manqué à ses obligations professionnelles". "Il n'appartenait pas au notaire d'anticiper que, onze années plus tard, les parties reviendraient sur l'interdiction d'aliéner les droits donnés, en raison de l'évolution du marché", considère la Cour.
Claire Farge, avocate au cabinet Fidal, qui a publié sur le blog de son cabinet un commentaire sur cet arrêt, souligne qu’une "clause figurant dans l’acte de la donation simple – une telle clause pouvant également se trouver dans le pacte adjoint du don manuel – et rappelant les effets successoraux d’une donation simple a été l’un des critères retenus par les juges pour écarter toute responsabilité du notaire rédacteur" dans cette affaire.